On parle souvent de la parentalité comme un évènement qui vient “bouleverser” le couple. Cela en est presque effrayant ! “Va-t-on y arriver ?”, “Notre couple va t’il survivre ?”… Nous avons demandé à Lénaïg Steffens – psychologue pour enfants, spécialisée dans la prise en charge des enfants et de leur famille – de nous éclairer sur le sujet !
« Précisons quelque chose pour commencer : l’arrivée d’un bébé peut très bien se passer ! C’est important de le rappeler. Il peut bien sûr y avoir une ou deux zones de turbulences mais cela peut repartir ensuite très positivement.
On parle de défi pour le couple, tout d’abord parce que c’est un moment de changement à plusieurs niveaux :
- Un changement organisationnel et physiologique : le couple accumule de la fatigue, il a moins de temps pour lui…
- Un changement de positionnement, de posture : on passe “d’amoureux” à “parents”. Avant l’arrivée de l’enfant, on était centrés sur nous même uniquement (et c’est très bien ! Il faut en profiter !). Le fait de devenir parents met une troisième personne entre les deux membres du couple, donc il faut du temps pour que chacun puisse trouver sa place.
- Un changement de degré de responsabilité : avoir un enfant, c’est vertigineux pour un couple !
Couple parental : les défis du quotidien
Le plus gros défi réside dans tous les petits défis du quotidien : l’organisation, l’éducation, l’alimentation… tous ces petits choix qui créent souvent des tensions au sein du couple ! D’ailleurs, ces tensions sont plus subtiles qu’elles n’y paraissent. En réalité, il n’est pas uniquement question d’organisation. Il est aussi question de besoins qui ne sont parfois pas compris par l’autre.
Exemple concret : mon conjoint a oublié d’acheter des couches. Cela me met en colère. Pourtant le sujet “organisationnel” du manque de couches peut se régler en 2 minutes en allant au supermarché. En revanche, il y a une frustration plus profonde qui peut cristalliser la tension : si mon conjoint a oublié, je vais avoir l’impression qu’il ne m’écoute pas, que je parle dans le vide, que je gère tout, etc… c’est comme ça que les conflits viennent se greffer au quotidien.
L’éducation, le couple et la parentalité
Un des défis majeurs pour le couple est l’éducation à donner à l’enfant. Quand deux adultes se mettent en couple, chacun arrive avec son histoire, son éducation reçue. Il est donc souvent difficile de s’accorder sur l’éducation que l’on veut donner. Beaucoup de parents poussent la porte du psy en arrivant avec cette question “On n’est pas du tout d’accord sur ce point éducatif, qui a tort ? Qui a raison ?”.
Pour rappel, jusqu’à un an, l’enfant a uniquement besoin d’amour, de tendresse, de présence. Mais à partir d’un an, il faut commencer à poser des limites éducatives (pour réguler le sommeil, l’alimentation etc…). Il faut poser des actes et les tenir dans la durée pour que l’enfant perçoive ces limites. Pas facile ! C’est à ce moment là que les questionnements arrivent. Cela vient souvent chercher quelque chose en nous (de notre histoire) : on peut par exemple avoir envie d’éviter à tout prix de reproduire ce que l’on vécu, et notre partenaire également ! Il faut donc gérer ces volontés parallèles de s’extraire de l’éducation reçue, qui sont parfois contradictoires l’une avec l’autre.
La communication : une clé de la réussite pour le couple
Alors comment faire pour concilier tout ça ? Déjà, il faut se dire les choses. Il faut se dire ce que tel acte chez l’autre provoque chez moi. Par exemple : “quand tu cries, c’est insupportable pour moi parce que ça me rappelle trop de mauvais souvenirs”, ou encore “quand tu donnes une fessée, tu franchis ma limite, ce n’est pas possible”. Souvent, je demande aux parents de me raconter leur histoire et leur enfance respective, cela me donne une précieuse grille de lecture pour comprendre leur réaction ! D’ailleurs, eux-même découvrent parfois le vécu de l’autre et comprennent pourquoi il ou elle réagit de telle manière ! C’est donc indispensable de parler de tout ça en couple ! C’est indispensable d’expliquer par exemple que “mon père a trop travaillé quand j’étais enfant, et je ne veux pas reproduire cela avec mes enfants, je veux être là tout le temps”. Il faut se partager ce qui est important pour nous, avant même d’avoir des enfants !
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Ensuite une fois qu’on a mis en place notre modèle d’éducation, il faut aussi être capable de le remettre en question si il ne fonctionne pas. Il ne faut pas rester bloqué sur nos limites de départ. Et si on est bloqué, il faut oser en parler, demander de l’aide (à un psy par exemple) pour repartir avec des outils concrets. Mais surtout ne jamais rester sans rien faire !”
Lénaïg Steffens